Éli! Éli! Lema sabachthani?

Éli! Éli! Lema sabachthani ?


Chacun connaît la traduction qui est faite de ce Cri lancé par Jésus dans les Évangiles de Matthieu (27v.46) et de Marc (15v. 34) Éli ou Éloï traduit en grec par "Théé mou" ou "Ho Théos mou" c'est-à-dire "Mon Dieu" Et la suite: "pourquoi m’as-tu abandonné?"


Je propose ici une hypothèse expliquant la raison pour laquelle le Fils bien aimé a crié ce mot « éli » à deux reprises : pour nous faire comprendre, par deux interprétations distinctes combien Il a porté jusqu’au bout de Son Souffle les deux natures, humaine et divine.


Première interprétation : le cri de Jésus vrai homme

C’est celle donnée ci-dessus par les deux Évangélistes. L’Apôtre Paul évoque un apprentissage ultime de Jésus en tant qu’homme, conduisant à Sa perfection :


NT: "C'est Jésus-Christ qui, aux jours de sa chair, ayant présenté, avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été exaucé en raison de sa piété, tout Fils qu'il était, apprit, de ce qu'il souffrit, l'obéissance ; après avoir été rendu parfait, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe de salut éternel. "(Hb 5 v. 7 à 9)

 

Ces paroles de l’Apôtre Paul font comprendre me semble-t-il que la nature humaine de Jésus a dû franchir au travers de la souffrance le niveau de perfection lui permettant de rejoindre Sa nature divine dans une union dépassant celle qui Lui a permis de Se révéler au monde et que les théologiens appellent « hypostatique ».

 

Pour appréhender toute la richesse symbolique de la plénitude d’Alliance des deux natures, il faut se souvenir de quelle façon Dieu a signifié aux hommes Sa toute première Alliance avec les hommes :

 

AT : "J'établis mon alliance avec vous : tout ce qui est ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n'y aura plus de déluge pour ravager la terre." Et Dieu dit : "Voici le signe de l'alliance que j'institue entre moi et vous et tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à venir : je mets O mon arc dans la nuée et il deviendra un signe d'alliance entre moi et la terre".

(Gn 9 v. 11 à 13)

 

« Arc » se prononce « qachète »

 

Sa guématrie, 62 est aussi celle de « Psaumes » et « d’Emmanuel », cité par Isaïe :

 

AT : C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe : Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel. (Is 7 v. 14)

« Emmanuel » se prononce « immanou El », « avec nous, Dieu ».

 

L’arc-en-ciel se compose traditionnellement de sept couleurs, dont le rouge, tourné vers le ciel et le violet tourné vers la terre. Or le livre de l’Exode dans ses chapitres concernant les prescriptions de décoration du Temple et d’habillement des prêtres, indique deux types de couleurs requises : la pourpre violette, mélange de rouge avec prédominance de violet et la pourpre écarlate à prédominance rouge.

 

Ainsi « Dieu avec nous » incarné a-t-Il rappelé ce symbolisme de l’arc-en-ciel de l’Alliance entre Dieu et les hommes : d’abord grand prêtre tourné vers la terre pour instituer Son Sacrifice et à ce titre digne de revêtir les habits de pourpre violette, ensuite hostie, rougie par le martyre et tournée vers le ciel sur le bois de Sa croix.

Cette vision de l’accomplissement de la plénitude d’Alliance des deux natures a été décrite par l’Apôtre Jean dans le livre de l’Apocalypse :

 

NT : "Celui qui siège est comme une vision de jaspe et de cornaline ; un arc-en-ciel autour du trône est comme une vision d'émeraude." (Ap. 4 v. 3)

 

 

Et de même que l’arc-en-ciel ne peut subsister sans soleil, de même au moment de la mort du Fils de Dieu, Lumière du monde, se fit l’obscurité et le rideau de pourpre violette et d’écarlate du Temple fut déchiré.


NT : À partir de la sixième heure, l'obscurité se fit sur toute la terre, jusqu'à la neuvième heure.

(Mt 27 v. 45)

Et voilà que le voile du Sanctuaire se déchira en deux, du haut en bas. (Mt 27 v. 51)


Développement de la seconde interprétation du cri "éli", en tant que cri du Verbe de Dieu


Je pense que la seconde interprétation renvoie au premier mot du chapitre 1 verset 8 du prophète Joël, qui annonce le rejet par Jérusalem de son Dieu, où "élii ” signifie en hébreu "plains-toi, pleure, gémis". Ce deuxième sens révèle cette fois la nature divine de notre Seigneur, à l’adresse de Ses enfants qui L’abandonnent.


"élii lema sabachthani?"selon les lèvres de Dieu, signifie donc :

"Pleure, pourquoi m’as-tu abandonné?"


Voici ce verset du prophète Joël:


AT : "Plains-toi, (pleure, gémis) comme une vierge ceinte d’une toile de sac à cause de l’époux de sa jeunesse. L’offrande et la libation ont été retranchées de la maison de Yahvé, les prêtres et les ministres de Yahvé sont en deuil, la campagne est dévastée, la terre est en deuil car le grain est dévasté, le vin nouveau a séché, l’huile fraîche s’est desséchée." (Jo1 v. 8)



Comparaison des deux prononciations : 

« élii » « pleure, gémis » Joël 1 v. 8

« élii » « mon Dieu » Psaume 22 v. 2


La différence entre les deux prononciations réside en un « é » bref et pour cette raison mis en indice dans le premier mot qui se traduit par « pleure, gémis » le « alef » est pourvu de ce que l’on appelle un  « hataf ségol », formant cinq points.

Le « alef » du mot qui se traduit par « mon Dieu » est quant à lui muni d’un « tséré » formant deux points, qui est une voyelle longue.


La guématrie de ces deux mots est 23, identique à celle du « Signe » (voir rubrique du même nom)


 Il est évident que l’état d’agonie de Jésus sur la croix fait que ce cri rapporté par les Évangiles de Marc et Mathieu ne peut être interprété de façon univoque, d’autant que des témoins ont même cru entendre Jésus appeler le prophète « Élie », qui se prononce et s’écrit encore différemment :

« Éliyahou » le prophète 

 

Arguments en faveur de cette seconde interprétation


1- Ce cri, tel qu’interprété dans les Évangiles, «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné », laisse supposer que Jésus Fils de Dieu ne S’attendait pas à «vivre la mort» ce que contredit Sa propre annonce:


NT: "Le Fils de l'homme, dit-il, doit souffrir beaucoup, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, le troisième jour, ressusciter." (Lc 9 v. 22) (id. Mt 16 v. 21 et Mc 8 v. 31)


2- Jésus Fils de Dieu aurait utilisé "Abba" pour appeler Son Père, comme il en est ainsi dans les Évangiles.


3- L’affliction de ceux présents devant la croix de Jésus, décrite ci-dessous,


NT: « Toutes les foules qui s’étaient rassemblées pour ce spectacle, voyant ce qui était arrivé, s’en retournaient en se frappant la poitrine. » (Lc 23 v. 48)


indique leur immense détresse, un état de componction qu'annonçait le prophète Zacharie :


AT: « Ils regarderont vers moi au sujet de O celui qu’ils ont transpercé : ils feront sur lui la lamentation comme on la fait pour un fils unique et ils le pleureront comme on pleure un premier-né. » (Za 12 v. 10) (O : voir la rubrique « le Signe »)


Comment Jésus, Verbe de Dieu, voyant cette foule affligée, aurait-Il eu le souci de crier pour la dernière fois Son abandon plutôt que de dire Sa Miséricorde, Lui le Fils bien-aimé toujours uni au Père ?


4 – Concile de Rome de 382 (Tome de Damase)

« Si quelqu’un dit que le Fils, quand Il était sur la terre et dans la chair, n’était pas avec le Père aux cieux, il est hérétique ».

Partant de ce dogme on  ne comprend pas pourquoi le Fils Se serait déclaré abandonné de Son Père.


5- Sainte Catherine de Sienne, Dialogues, chapitre 101 :

« Sur le bois de la croix, la chair de Mon Fils était douloureuse et tourmentée, mais Son âme était pleine de béatitude à cause de Son union avec Ma nature divine. »

Là encore ce que le Père déclare à propos de l'âme du Fils s'oppose à ce que Celui-ci ait pu crier qu'Il était abandonné.


6- Admettre que ce cri lancé par Jésus était un cri seulement humain implique que l’Esprit de Dieu aurait quitté Jésus au moment ultime de Son Sacrifice, faisant de Jésus un être en dessous de Dieu, thèse de l’hérésiarque Arius.


De ces arguments, de l’interprétation classique retenue par les traductions bibliques des Évangiles, de l’argument de l’Apôtre Paul, nous pouvons conclure que ce « éli » « éli » lancé à deux reprises suggérait aussi deux significations, propres à chacune des deux natures de Jésus-Christ :


« Mon Dieu ! (adressé à Dieu par Jésus homme) Pleure ! (adressé au peuple qui se lamente Par le Fils, Verbe de Dieu) Pourquoi m’as-tu abandonné ? »


Alors, nous dit l’Apôtre Paul, cité plus haut,


NT : « Après avoir été rendu parfait, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe de salut éternel. » (Hb 5 v. 9)



Conclusion :

 

Jésus-Christ Fils bien aimé de Dieu a accompli en Son Sacrifice l’Alliance parfaite de la nature humaine à la nature divine, et l’a surpassée en traversant la mort par Sa Résurrection. Il a été homme-Dieu, Emmanuel, jusqu’au déchirement par la croix, Il est à présent et pour l’Éternité Yahvé, Je Suis, Jésus Sauveur, c’est-à-dire Yéshoua, Nom qui contient en lui cette Alliance de l’homme Jésus et du Dieu qui sauve, et qui veut nous montrer par Son exemple accompli, que nous-mêmes sommes appelés à réussir ce sublime Mariage des deux natures.


Et pourquoi pas une troisième interprétation ?


Éli, avec en première lettre « ayin » une gutturale.

 

Éli désigne également le prêtre de Yahvé, éducateur du jeune Samuel, lequel revêtira David de l’onction. Ce nom évoque une montée, une élévation (voir note ci-dessous) ; le cri de Jésus sur la croix emprunt de ce troisième sens possible serait la confirmation de l’accomplissement de Sa Parole :


NT : « Et moi, une fois élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi. » (Jn 12 v. 32)


Note : Vient de «‘alah »verbe « monter » ci-dessous


d’où « éléyon », le « Très-Haut », ci-dessous, de même guématrie que Yéhoshoua forme ancienne du nom Jésus (voir rubrique – Yahvé)